Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/9

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sonne romanesque devenait cher ou odieux à des milliers de braves gens, qui, par là, étaient dispensés d’avoir en propre l’intelligence politique de leurs actes. Le soldat voyait nettement au profit de qui il pouvait se sacrifier ; le simple avait un objet tangible de ses vœux.

Des institutions traditionnelles peuvent, aussi bien qu’une dynastie, fournir un centre et inspirer ces sentiments de vénération nécessaires pour que l’individu accepte de se dévouer. — Mais notre France, il y a un siècle, a brusquement maudit et anéanti sa dynastie et ses institutions.

Certaines races arrivent à prendre conscience d’elles-mêmes organiquement. C’est le cas des collectivités anglo-saxonnes et teutoniques qui, de plus, sont en voie de se créer comme races. — Hélas ! il n’y a point de race française, mais un peuple français, une nation française, c’est à-dire une collectivité de formation politique ; et malheureusement, au regard des collectivités rivales et nécessairement ennemies dans la lutte pour la vie, la nôtre n’est point arrivée à se définir à elle-même.

Nous l’avouons implicitement par ce fait que, suivant les besoins du moment, pour nos publicistes, nos écrivains, nos artistes, nous sommes tantôt Latins, tantôt Gaulois, tantôt « le soldat de l’Église », puis la grande nation, « l’émancipatrice des peuples ».

Ces mots contradictoires, voilà autant de drapeaux sous lesquels des hommes avides d’influence assemblent leur clientèle, ajoutant ainsi à la lutte des principes la compé-