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UN HOMME LIBRE

voix, un peu forte sur certains mots, et qui n’achève pas ; à peine tes phrases indiquées, tu sembles n’y plus tenir.

Dans cette belle crise d’une sensibilité trop vite desséchée, Sainte-Beuve attachait peu d’importance au fruit de sa méditation. De la pensée, il ne goûtait que la chaleur qu’elle nous met au cerveau. Il aimait mieux suivre les voltes de sa propre émotion que convaincre ; il dédaignait les sentiments qu’on raconte et qui dès lors ne sont plus qu’une sèche notion. De là cette mollesse à soutenir son avis, ce brisé dans le développement de ses idées. Il savait que Dieu seul, pénétrant les cœurs, peut juger la sincérité d’une prière… Ceux de ma race, eux-mêmes, imagineront-ils l’ardeur du sentiment d’où sort ici cette tiède méditation ?

Méditation

À considérer longuement Sainte-Beuve, je vois que son extrême politesse et sa compréhension ne sont accompagnées d’aucune sympathie pour ceux mêmes qu’il pénètre le plus intimement. Il est là, très timide et très jeune,