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UN HOMME LIBRE

m’approuve. Je m’irrite de tout ce qu’on nie, quand on exalte ce que j’aime. Je vous dirai toute la vérité : je ne puis plus supporter qu’on énonce une opinion sur les choses qui sont. Je m’intéresse uniquement à ce qui devrait exister. J’ai fini de me contempler. Comme les arbres qui poussent et comme la nature entière, je me soucie seulement de mon Moi futur.

Alors Simon, avec cette façon glaciale que j’ai souvent goûtée, mais qui me déplut à cette occasion, arrêta le débat :

– Je crois comme vous que notre collaboration n’aboutira pas, car nous ne pouvons discuter que sur des points du passé. Comment nous faire en commun des idées claires sur ces obscures inquiétudes et sur ces pressentiments qui sont toutes nos notions de l’avenir ! En conséquence, je retournerai volontiers à Paris, d’autant que j’ai fait des économies, et que nous approchons de mai, saison qui égaye mon tempérament.

Voilà bien la séparation que je désirais, mais ce me fut un désespoir que lui-même me l’imposât.