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préface

porains ne m’eussent pas écouté si j’avais pris mon point de départ ailleurs que du Moi.

Au milieu d’un océan et d’un sombre mystère de vagues qui me pressent, je me tiens à ma conception historique, comme un naufragé à sa barque. Je ne touche pas à l’énigme du commencement des choses, ni à la douloureuse énigme de la fin de toutes choses. Je me cramponne à ma courte solidité. Je me place dans une collectivité un peu plus longue que mon individu ; je m’invente une destination un peu plus raisonnable que ma chétive carrière. À force d’humiliations, ma pensée, d’abord si fière d’être libre, arrive à constater sa dépendance de cette terre et de ces morts qui, bien avant que je naquisse, l’ont commandée jusque dans ses nuances…

Tandis que je crois causer ici avec quelques milliers de fidèles lecteurs, il est possible qu’un étranger s’approche de notre cercle et que, jetant les yeux sur cette préface, il s’étonne. En effet, pour tout le monde, à vingt ans, la grande affaire c’est de vivre, mais bien peu <s préoccupent de trouver le fondement philo-