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UN HOMME LIBRE

sans cesse derrière moi, je veux que chaque matin la vie m’apparaisse neuve, et que toutes choses me soient un début.

« Mon cher ami, vous êtes entré dans une carrière régulière ; vous utiliserez notre dédain, qui nous conduisit à Jersey, pour en faire de la morgue de haut personnage notre clairvoyance, qui fit nos longues méditations, deviendra chez vous un scepticisme de bon ton ; notre misanthropie, qui nous sépara, une distinction et une froideur justement estimées de ce monde sans déclamation où vous êtes appelé à réussir. Nul doute que vous n’arriviez à proscrire pour des raisons supérieures ce que le vulgaire proscrit, et à approuver ce qu’il sert. Certaines natures avec leur fine ironie s’accommodent à merveille, quoique pour des raisons très différentes, du vulgaire bon sens. Alors, assistant de loin au développement de ma carrière, si vous la voyez tourner à mille choses faciles que j’étais né pour mépriser toujours, ne vous étonnez pas. Croyez que je demeure celui que vous avec connu, mais poussé à un tel point que les attitudes mêmes que nous estimions