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un homme libre

y est intelligente, ses parents l’affectionnent ; mais, faute de femmes et de secousses intellectuelles, il s’y ennuie par les chaudes après-midi. Je note pourtant qu’il me disait un jour : « J’adore la terre, les vastes champs d’un seul tenant et dont je serais propriétaire ; écraser du talon une motte en lançant un petit jet de salive, les deux mains à fond dans les poches, voilà une sensation saine et orgueilleuse. »

L’observation me parut admirable, car je ne soupçonnais guère cette sorte de sensibilité. Voilà huit ans que, pour être moi, j’ai besoin d’une société exceptionnelle, d’exaltation continue et de mille petites amertumes. Tout ce qui est facile, les rires, la bonne honorabilité, les conversations oiseuses me font jaunir et bâiller. Je suis entré dans le monde du Palais, de la littérature et de la politique sans certitudes, mais avec des émotions violentes, ayant lu Stendhal et très clairvoyant de naissance. Je puis dire, qu’en six mois, je fis un long chemin. J’observais mal l’hygiène, je me dégoûtai, je partis ; puis je revins, ayant bu du quinquina et adorant