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UN HOMME LIBRE

dans un système qui maintiendrait et fortifierait notre volonté.

— Il ne suffit pas, lui disais-je, de fixer les heures où nous méditerons ; il faut fournir notre cerveau d’images convenables. J’ai un sentiment d’inutilité, aucun ressort. Je crains demain ; saurai-je vivifier ? L’énergie fuit de moi comme trois gouttes d’essence sur la main.

Pour qu’il comprit cette anémie de mon âme, je lui rappelai un café qui nous était familier. — Que de fois je suis sorti de là vers les dix heures du soir, dégoûté de fumer et avec des gens qui disaient des niaiseries ! Les feuilles des arbres étaient légèrement éclairées en dessous par le gaz ; la pluie luisait sur les trottoirs. Nous n’avions pas de but ; j’étais mécontent de moi, amoindri devant les autres, et je n’avala pas l’énergie de rompre là.

Simon connaissait la sensation que je voulais dire, et il m’en donna des exemples personnels.

— Par contre lui dis-je, des niaiseries me firent des soirs sublimes. Une nuit, près de m’endormir, je fus frappé par cette idée, qui