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LES DÉRACINÉS

teries et de s’y associer, est pour le psychologue tout simplement un homme à qui de tristes circonstances ont interdit d’avoir un fils, et chez qui le sentiment de la paternité était extrêmement développé. Dans la physionomie de Girard auprès de Portalis, on pouvait distinguer à la fois la douleur d’aimer un égoïste, l’ironie d’un homme tout à fait clairvoyant à l’égard d’un malin un peu alourdi par la vanité, enfin l’admiration que lui inspiraient, comme d’un fils à son père, les moindres mouvements de son Portalis…

Un nom met dans le sang de celui qui le porte toutes les vertus des traditions familiales qu’il évoque. L’arrière-petit-fils du grand Portalis, avocat, membre des Anciens, conseiller d’État et ministre des cultes, le petit-fils du second Portalis qui fut, lui aussi, conseiller d’État du premier empereur, se devait d’être un autoritaire et un légiste.

Pourtant chez ce blond de grande taille, le type anglo-saxon mâtine fortement l’hérédité napoléonienne ; son grand-père, né à Aix, épousa en Saxe une comtesse de Holck. Comme Wilson, avec qui il présente de fortes analogies par son allure physique et par sa conception de la domination politique, il est parmi nous un étranger.

Et voilà le secret profond de la conduite de ces hommes, un Wilson et un Portalis, ou encore un Camille Dreyfus et un Mayer, fort intelligents, mais qui se détruisent eux-mêmes parce qu’ils ne sentent rien en accord avec notre pays où ils évoluent. Quant aux autres, c’est le principe de chantage qu’il y a dans le parlementarisme français qui les a