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UN HASARD QUE TOUT NÉCESSITAIT

bliciste, profondénienl froissé, — mais vous aurez les coups. Un journal, pour un chef de parti, c’est un désavantage. » Les deux équipages suivaient une marche parallèle tempérée de mauvais procédés, comme c’est la coutume, jusqu’au discours de Grenoble. Portalis se hâta de reprocher à Gambetta la phrase fameuse : « Il n’y a pas de question sociale ! » Ce n’est pas qu’il fût socialiste. Il croyait bien trop à l’argent comme à la réalité suprême de la force. Puis son sentiment aristocratique ne lui laissait voir dans la République, en dehors des combinaisons parlementaires, que démagogie. Mais il cherchait plus avant que Gambetta un levier contre celui-ci. Par ces attaques où il satisfaisait sa vanité froissée, il retardait indéfiniment la réussite de ses ambitions de pouvoir.

Il s’en rendait mal compte. À cette époque Gambetta n’était pas la puissance qu’on vit depuis : Portalis, avec un journal à dix centimes et d’un tirage considérable, croyait pouvoir marcher de pair. C’est le Corsaire qui fit l’élection Barodet contre Rémusat, candidat de M. Thiers et que Gambetta tout d’abord avait pensé soutenir. Tolain ayant demandé que le gouvernement ouvrît, comme avait fait l’Empire, un crédit de 100,000 francs pour envoyer des ouvriers à l’exposition de Vienne, Teisserenc de Bort répondit : « Révolution n’est pas article d’exportation ; nous faisons voyager les ouvriers dans les trains de nuit. » Le Corsaire ouvrit une souscription qui permit de réunir à nouveau les syndicats et obtint 71,000 francs. Portalis expédia cent ouvriers à Vienne, mais son journal fut suspendu ; on vint lui offrir l’Avenir national qu’il organisa.

Ainsi ses journaux étaient supprimés quand ils