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LES DÉRACINÉS

garçon obligeant. Il apporte le monde politique aux financiers, et le monde financier aux politiques. Il tient tout ; voilà sa force.

Elles sont courtes, les vues de Renaudin ! Il croit que ses supérieurs immédiats sont le bout de la hiérarchie. Il y a une féodalité à degrés nombreux. Un Bouteiller, un Jacques de Reinach, commandent un Renaudin, un Racadot, mais tout de même obéissent à des puissances supérieures. Celles-ci, on ne les connaît pas au « Madrid », au « Cardinal » où Girard et les rabatteurs de Portalis opèrent. Renaudin, tout vaniteux d’apporter à son camarade l’esprit de ces cafés, que Spuller appelle les « salons de la démocratie » (il voulait dire du parlementarisme), conclut en disant :

— Voilà un bon cours d’histoire, et qui vaut bien un dîner d’un louis.

— Tu connais beaucoup de ces financiers ? dit Racadot en rougissant de la perspicacité de Renaudin.

— Connaître à fond des hommes, c’est un sûr moyen de faire leur connaissance. Ces puissants tremblent devant un écho de journal.

— Je pourrai donc faire payer à ce Reinach sa déloyauté !

— Il vaudrait mieux lui faire payer le déficit de la Vraie République !

Et Renaudin dicta sur-le-champ à son naïf élève :

« De bons patriotes nous signalent avec étonnement la place considérable qu’occupent dans le monde gouvernemental certains salons de financiers allemands. On tiendrait justement à l’écart un réac-