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Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/420

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CHAPITRE XVII

LES PERPLEXITÉS DE FRANÇOIS STUREL

Au lendemain de cette mystérieuse et abondante soirée, les journaux publièrent des nouvelles plus inquiétantes de Victor Hugo : l’illustre vieillard par instants souffrait d’oppression et d’une grande agitation ; on le piquait à la morphine ; il buvait un peu de bouillon, embrassait ses petits-enfants, serrait la main de ses amis.

La France avec angoisse, assistait à ces apprêts de la mort magnifiés par une presse idolâtre. Les poètes avaient passé plusieurs nuits chez le marchand de vins devant la maison du grand homme. Ils buvaient et récitaient ses vers. D’heure en heure, ils venaient sous les fenêtres, d’où on leur jetait des nouvelles. Les comités politiques, sur tout le territoire, étudiaient des mesures de deuil. Dans la matinée, des bruits pires encore circulèrent : qu’il avait dit adieu a sa petite-fille Jeanne et qu’il entrait en agonie. À cet époque, un certain journal paraissait à midi qui continuait obscurément le journal de Mirbeau, Paris-Midi, Paris-Minuit. Ce 22 mai, tout Paris l’attendait. Sturel, allant au Luxembourg après