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LES PERPLEXITÉS DE FRANÇOIS STUREL

lement par son ardente curiosité, et d’un objet unique. C’est ainsi que, dans un duel au pistolet, la physionomie de l’adversaire, ses vêtements, sa tenue même, deviennent d’infimes détails pour celui qui qui n’a pas l’habilude du terrain et, bien qu’il les constate, il ne se distrait pas à les apprécier, car il est tout à se dire : « A-t-il tiré ?… » Sturel, lui, de Racadot, se demandait ceci seulement : « A-t-il tué ? »

L’antipathique conférencier termina en affirmant que, pendant des siècles, les hommes ont vécu malheureux par leur obstination à contrarier la vérité naturelle. Certes, leurs actes s’y conformaient. Il ne dépend pas de notre volonté de nous soustraire au « parasitisme » général. Mais en y cédant, nous nous en faisions mille douloureux reproches. Victor Hugo aura été un de ces plus obstinés jeteurs de scrupules. Comme le minéral, comme le végétal, comme l’animal, nous serions heureux si notre intelligence, au lieu de nous créer de fausses et impuissantes délicatesses morales, affirmait avec la science que tout être a le droit de « césariser ».

— « Césariser ! » dit Rœmerspacher à Sturel. Ici, c’est toi l’auteur responsable. Il nous rend ta conférence du Tombeau de Napoléon.

Cette brève parole dite doucement, et avec l’intonation lorraine, un peu traînarde, qui réapparaît surtout dans les phrases ironiques, allait indéfiniment se prolonger en Sturel. Comme il arrive aux orateurs qui n’ont pas l’usage de la tribune et aux écrivains maladroits, Racadot n’avait pas un riche écrin de synonymes et, pendant les dix minutes de sa conclusion, le mot « césarier », comme plus haut « l’arbre