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LES PERPLEXITÉS DE FRANÇOIS STUREL

la ruse s’était faite plus sensible depuis quelques mois, à mesure que les soucis en chassaient l’expression de force. Le serf, qui jadis parlait d’une voix lourde et sans qu’un de ses muscles bougeât, commença à donner d’abondantes explications, et il grimaçait presque autant qu’eût fait le chétif descendant d’une famille opulente.

— Il n’est pas tout à fait exact qu’elle ait collaboré à la Vraie République… Je lui ai rendu quelques services… Je me propose, d’ailleurs, de porter mes renseignements au juge… Suret-Lefort va me guider…

— Il y aurait peut-être une jolie interview à te prendre, dit Renaudin.

— Merci ! La Vraie République va réapparaître : j’étudie une combinaison.

Ils crurent à une vantardise. Chaque parole aggravait cette lourde soirée. Le nom de madame Aravian terrifiait ou gênait quelques-uns d’eux, le nom de la Vraie République leur était pénible à tous, car elle évoquait des déceptions, des trahisons, leur impuissance : — en un mot, elle avait été leur premier acte. Pour réagir, Rœmerspacher, levant son verre, dit, avec bonhomie :

— À la prospérité de la Vraie République ! La Léontine se mit à pleurer.

— Pourquoi es-tu triste ?

— Honoré, j’aimais mieux le temps où l’on ne te faisait pas d’ovation !

— Après-demain nous irons à la campagne toute la journée.

— Vous m’emmènerez, monsieur Racadot ? demanda Fanfournot.

— Ça lui fera du bien, à cet enfant ! dit la Léon-