Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 2.djvu/7

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qu’accidentel, mériterait encore d’être sérieusement étudié. Mais si on découvre que la cause en est permanente, que cette maladie sociale qui s’est révélée d’une manière si effrayante s’alimente de toutes les fermentations de notre humanité, que même chaque progrès des sociétés modernes ajoute à ses dangers ; le nivellement des conditions, l’affaiblissement des croyances, le mépris des traditions, les conquêtes mêmes sur la matière, et généralement tout ce qui, faisant tomber les voiles, détruisant les prestiges, rapprochant les distances, met les hommes face à face et les provoque, pour ainsi dire, à se mesurer, à se compter, et à se poser cette redoutable question « Pourquoi des riches, pourquoi des pauvres ? » Alors la révolution de février 1848 nous apparaît sous son véritable caractère : en détourner les yeux serait puéril, l’étudier dans toutes ses profondeurs, pour tâcher au moins d’en prévenir le retour, c’est le devoir des hommes sérieux. J’apporte mon faible contingent dans cette étude.

L’Assemblée Constituante avait ordonné une enquête sur les causes des perturbations violentes qui ont suivi la révolution du 24 février et j’ai eu l’honneur de présider la commission chargée de faire cette enquête : malgré un mois entier consacré aux investigations les plus minutieuses, l’audition des principaux acteurs de ce drame révolutionnaire, l’examen d’une masse énorme de documents, notre travail ne pouvait qu’effleurer ou, tout au plus, laisser entrevoir les causes premières de ces perturbations. Comment, en effet, dire à une assemblée issue de la révolution du 24 février, que c’était dans la nature et la tendance même de cette révolution qu’était la vraie cause des désordres qu’elle nous chargeait d’explorer ? L’enquête s’est ressentie des réticences forcées qui nous étaient imposées ; nous nous sommes arrêtés aux causes per-