Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/133

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lin commença à haranguer la foule des ouvriers ; après lui, Maillard qui s’était déjà donné le grade de porte-drapeau, leur parla avec courage.

Cependant les commissaires les firent rentrer dans l’ordre. Ils avaient déjà fait la motion de nous désarmer, et ils étaient assez forts pour cela, puisqu’ils étaient trente mille contre trente ; mais les portes étant fermées, on ne les laissa plus entrer que par vingt à la fois.

On sait tous les vols qui se faisaient dans cette administration : j’ai connu des chefs à qui leur journée, tous frais faits, rapportait deux cents livres ; le fait me fut avoué par eux-mêmes.

La première journée fut un peu orageuse, cependant il n’y eut aucun coup de feu, pas même une voie de fait. Cette expédition dura près de quinze jours ; on nous nourrissait et l’on nous payait à raison de cinquante sols par jour. Plusieurs ouvriers du faubourg Antoine apprirent cela et se présentèrent comme étant vainqueurs de la Bastille ; ils furent admis avec nous. Nous étions plus de cent déjà sur une liste et dès cette époque on voulait faire deux compagnies. Les Hullin, Maillard, Richard, Dupin et autres s’étaient distribués les grades ; on accaparait déjà les suffrages. Je m’en aperçus, et un jour que