Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/387

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En route notre bâtiment fut attaqué par les Anglais. Avant le commencement de l’action, le capitaine nous fit enfermer, mais Rossignol trouva le moyen de s’échapper, il monta sur le pont et dit au capitaine : « Cette situation est intolérable pour des soldats. Nous sommes tous des Français ici… ne l’oubliez pas, monsieur. »

Le capitaine rendit justice à son sentiment, mais il ne voulut point accepter ses services.

Jusqu’au débarquement nous avons ignoré où nous étions conduits. Notre voyage dura trois mois bien pénibles.

Ce fut le 14 juillet (22 thermidor an IX) que nous descendîmes à terre. Ce jour était l’anniversaire de l’époque mémorable que l’on appelle le triomphe de la liberté ; mais ce triomphe était devenu pour nous celui de la tyrannie et de l’esclavage.

Nous regardions avec une sombre tristesse le navire sur lequel nous avions fait quatre mille cinq cents lieues pour venir végéter, languir et mourir comme des plantes arrachées de leur sol natal, et nos yeux mornes s’égaraient sur l’affreuse perspective de la mer qu’aucune image consolante ne venait adoucir. Il fallut céder au destin et vivre sans avenir.