Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/46

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donnait dix-huit livres par mois. J’étais selon la circonstance et mon âge assez heureux.

Je n’avais qu’un seul habit. Un jour, un danseur de corde vint dans la ville pour y faire des tours. Il fit battre au son de la caisse qu’un grand voltigeur ferait ses exercices à cinq heures du soir au Château, et qu’il prendrait deux sols par personne, et que l’on ne payerait qu’en sortant. Il avait fait fermer la grande porte et il fallait passer par la petite qui ressemblait beaucoup à une porte de prison. Là, il avait placé deux personnes pour recevoir la recette. Je ne voulais pas le payer parce qu’il nous avait annoncé des tours de force qu’il ne nous avait pas faits. Je m’y connaissais assez, car j’avais été plusieurs fois chez Nicolet, et, comme je me trouvais pressé, l’on m’attrapa par le pan de mon habit qui leur resta dans la main avec tout le côté. Je n’avais pas le moyen d’en avoir un autre, je rentrai chez mon bourgeois : « Où avez-vous donc laissé le reste de votre habit ? Vous voilà joli garçon avec ce costume-là ! » Je lui répondis que plusieurs libertins et ivrognes m’avaient attaqué, je ne sais pourquoi, et que, me voyant frappé, j’avais été contraint de me revenger, mais comme ils étaient plusieurs, j’avais été forcé de leur laisser le champ