Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se battre avec des bayonnettes. Il fit si bien qu’il me tendit la bayonnette, et nous fûmes blessés tous les deux. J’avais tellement d’amour-propre que je ne voulus pas aller à l’hôpital comme lui. Je me fis panser à la chambrée par un de mes amis, de sorte qu’au bout de huit jours j’étais censé guéri, mais toutes les nuits, je perdais la respiration quand j’étais couché, et à force de me plaindre j’empêchais mes camarades de dormir. Le sergent de la chambrée me força d’aller à l’hôpital. À la visite du chirurgien-major, il fut reconnu que c’était un dépôt qui s’était formé dans l’estomac. On commença par ouvrir la première blessure qui était au milieu du téton droit, et l’on en fit sortir du sang caillé, ce qui me soulagea beaucoup, pendant plus de huit jours. Mais le dépôt avait tellement pris de force qu’après une consultation de chirurgiens, il fut décidé qu’on m’ouvrirait l’estomac. Je subis cette opération deux fois ; avec la première opération, la plaie n’était pas assez large ni assez longue pour la quantité de matière. — J’ai bien vu des plaies dans ma vie, mais jamais je n’en vis rendre de cette manière. Mes plus grandes souffrances ont été les pansements, et surtout quand on renouvelait le séton. J’ai souffert pendant deux mois consécutifs et je fus six mois à guérir.