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Ce monsieur, se méprenant sur l’heure où il était attendu, entra dans le salon de la comtesse, bien avant que celle-ci eût fait son apparition.

Pour charmer les longueurs de l’attente, l’invité s’amusa à regarder les toiles, les albums et les objets rares dont les étagères étaient garnies, quand, tout à coup, apercevant un petit livre dissimulé derrière les coussins d’un divan, il l’ouvrit au hasard, croyant y trouver un recueil de poésies.

À sa grande surprise, il y lut des notes écrites de la main de madame Necker, sur tous les sujets dont elle s’était proposée de parler ce soir-là.

Chaque invité y était spécialement mentionné, ainsi que le sujet convenant à son goût et à ses aptitudes.

Le nom de M. Chastellard figurait aussi sur la liste, mais il n’eut pas le temps de connaître la nuance que l’on devait observer vis à-vis de lui, car, en ce moment, un léger frou-frou annonça l’arrivée de la maîtresse de maison et le petit volume fut prestement remis à sa place.

Si une femme aussi remarquablement douée que madame Necker apportait tant de soin à se rendre agréable à ses hôtes, il faut que la conversation, soit un art bien difficile, en vérité, et nécessitant une étude de tous les instants.

Il ne suffit pas de parler, en effet. La parole est assez facile aux femmes, — du moins chacun le dit, — et ce serait grand dommage que ce flux proverbial roulât toujours sur un désert d’idées.

Madame Juliette Adam avait résolu, l’hiver dernier, de n’inviter à ses réceptions que les bons causeurs et les bonnes causeuses.

La chronique du temps n’a pas appris si les salons de la spirituelle directrice de la Nouvelle Revue ont été plus dégarnis, mais, il est bien permis de se demander, com-