Page:Barthélemy - Voyage du jeune Anacharsis en Grèce vers le milieu du IVe siècle, tome 1.djvu/21

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AVERTISSEMENT.

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Je suppose qu’un Scythe, nommé Anacharsis, vient en Grèce quelques années avant la naissance d’Alexandre, et que d’Athènes, son séjour ordinaire, il fait plusieurs voyages dans les provinces voisines, observant partout les mœurs et les usages des peuples, assistant à leurs fêtes, étudiant la nature de leurs gouvernements ; quelquefois consacrant ses loisirs à des recherches sur les progrès de l’esprit humain d’autres, conversant avec les grands hommes qui florissaient alors, tels qu'Epaminondas, Phocion, Xénophon, Platon, Aristote, Démosthène, etc. Dès qu’il voit la Grèce asservie à Philippe, père d’Alexandre, il retourne en Scythie, il y met en ordre la suite de ses voyages ; et, pour n’être pas forcé d’interrompre sa narration, il rend compte, dons une introduction, des faits mémorables qui s’étaient passés en Grèce avant qu’il eût quitté la Scythie.

L’époque que J’ai choisie, une des plus intéressantes que nous offre l’histoire des nations, peut être envisagée sous deux aspects. Du côté des lettres et des arts, elle lie le siècle de Périclès à celui d’Alexandre. Mon Scythe a fréquenté quantité d’Athéniens qui avaient vécu avec Sophocle, Euripide, Aristophane, Thucydide, Socrate, Zeuxis et Parrhasius. Je viens de citer quelques-uns des écrivains célèbres qu’il a connus ; il a vu paraître les chefs-d’œuvre de Praxitèle, d’Euphranor et de Pamphile, ainsi que les premiers essais d’Apelle et de Protogène ; et dans une des dernières années de son séjour en Grèce, naquirent Epicure et Ménandre.

Sous le second aspect, cette époque n’est pas moins remarquable. Anacharsis fut témoin de la révolution qui changea la face de la Grèce, et qui, quelque temps après, détruisit l’empire des Perses. A son arrivée, il trouva le jeune Philippe auprès d’Epaminondas ; et il le vit monter sur le trône de Macédoine, déployer pendant vingt-deux ans contre les Grecs toutes les ressources de son génie, et obliger enfin ces fiers républicains à se jeter entre ses bras.

J’ai composé un voyage plutôt qu’une histoire, parce que tout est en action dans un voyage et qu’on y permet des détails interdits à l’historien. Ces détails, quand ils ont rapport à des usages, ne sont souvent qu’indiqués dans les auteurs anciens ; souvent ils ont partagé les critiques modernes. Je les ai tous discutés avant que d’en faire usage. J’en ai même, dans une révision, supprimé une grande partie ; et peut-être n’ai-je pas poussé le sacrifice assez loin.

Je commençai cet ouvrage en 1757 je n’ai cessé d’y travailler depuis : Je ne l’aurais pas entrepris si, moins ébloui de la beauté du sujet, j’avais plus consulté mes forces que mon courage.