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JOURNAL

tons dans sa chambre. Comme la mer après une grande tempête devient calme et semble gelée, ainsi nous étions tous, après de si grands troubles, assis si calmement que je ne comprenais pas ce qui s’était passé.


Mardi 28 octobre. Pauvre maman ne va pas mieux ; ces bourreaux de médecins lui ont mis un vésicatoire qui la fait souffrir horriblement. Le meilleur remède, c’est de l’eau fraîche ou du thé ; c’est naturel et simple.

Si l’homme doit mourir, il meurt avec le secours de tous les médecins du monde ; si, au contraire, il ne doit pas mourir, il ne mourra pas, si même il est seul et sans aucun secours.

Raisonnez bien calmement, il me semble qu’il vaut mieux se passer de toutes les horreurs pharmaceutiques.

Oh ! comme je voudrais avoir vingt ans ! je ne suis rien qu’une rêveuse, sans avenir et pleine d’ambition ; c’est comme mon affliction ! c’est comme ma vie ! je l’avais préparée dans mes pensées, et en un instant tout s’est écroulé.

Bien que le duc soit mort pour moi, je pense à lui. Je suis dans les nuages ; tout est devenu incertain pour moi, je n’ai plus de prière à Dieu.

Paul ne veut rien faire ; il n’étudie pas, il n’est pas assez sérieux, il ne comprend pas qu’il doit étudier, cela me chagrine. Mon Dieu, inspire-lui la sagesse, fais-lui comprendre qu’il doit étudier, inspire-lui un peu d’ambition, un peu, juste assez pour être quelque chose. Mon Dieu ! entends ma prière, dirige-le, garde-le contre tous ces mécréants qui le déroutent !…