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JOURNAL

qui a eu dix-neuf enfants et qui fait le commerce de sable.

Il est venu du monde, mais j’ai fait semblant de ne voir personne, et puis il est venu une troupe de soldats faire je ne sais quel-exercice sur la plage, et presque aussitôt une pluie battante ; mais je reviendrai de main. Cela m’amuse tant de faire des études en plein air, ces toiles vont donner du chic à mon atelier. Il est bien entendu, n’est-ce pas ? que je n’affecte’aucun dehors artistique et toutes ces vilaines poses de gens qui barbouillent sans talent et s’habillent comme des artistes.

DIEPPE. Vendredi 22 août. —-O sublime Balzac ! tu es le plus grand génie du monde ; de quelque côté qu’on aille, on se relrouve toujours dans ta sublime comédie ! Il semble qu’il ait toujours vécu et copié sur nature. Je viens de voir deux femmes qui, par leur provenance, leur figure, leur vie, me font penser à Balzac, ce grand, cet inépuisable, cet incroyable génie. Les miens sont revenus du théâtre. On trouve Mme de S. laide ; c’est, du reste, ce que dit tout le monde. Comment se fait-il donc que je la voie si charmante ? Je

veux bien qu’elle ne soit pas jolie ; mais avec mon ceil d’artiste, je suis séduite par certaine qualité du dessin des lèvres et du nez, aux arêtes si vives. Elle n’a ni flétrissures de joue, ni poches sous les yeux, et puis des maniėres exquises. Vendredi 29 août. — Le fatalisme est la religion des paresseux et des désespérés. Je suis désespérée et je vous jure que je ne tiens pas à la vie. Je ne dirais pas cette banalité si.je ne la pensais que sur le

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