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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

somme, que des nuances et je suis toujours pour simplifier et élargir les questions. Si je ne vais pas me faire déporter, c’est parce que c’est inutile et que j’ai horreur de l’inutile. — On n’est pas lâche pour choisir son rôleet il est tout naturel de préférer d’ètre martyrisé comme saint Paul que de faire partie des onze mille vierges. J’avoue en toute franchise que je serais désolée d’étre une héroïne inconnue, mais, je vous jure… Là je m’arrête subitement, j’allais jurer devant Dieu et je ne suis pas bien sůre qu’il existe. Je le pense, sans crainte. Dieu, s’il existe, ne saurait s’offenser de mes doutes, qui ne sont qu’un aveu de mon ignorance. Je me garderais bien de nier l’existence de Dieu et je ne puis sincèrement l’affirmer de sang-froid. Oh ! dans les moments terribles, je ne suis pas si raisonneuse, je me jette à deux genoux par terre et invoque ce Dieu, dont je suis sûre, alors ! Il me semble pourtant bien qu’il doit exister une suprême inlelligence…, mais pas le Dieu auquel je suis habituée… Mais alors, à quoi sert cette suprême intelligence ?… Mais

j’allais… oui, jurer devant Dieu que je donnerais jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour aider à sauver quelque grand principe qui m’est cher. Je suis calme ; pas Louise Michel, pas nihiliste, du tout ; mais si je croyais à quelque sérieuse menace contre la liberté, je serais la plus furieuse de toutes. Samedi 22 janvier.

tout ; je sors avant huit heures tous les matins. Le tableau m’amuse. Cot l’a vu, mais ne me dit que des choses insignifiantes comme « cela se présente bien, pas mal », et puis des encouragements. Il est vrai Il fait froid, de la neige par-