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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

N’ayant aucune affaire, nos relations sont toutes courtoises et je lui ai doné le bras ce soir au jardin de la ville. Mais il paraît que nous avons fait la journée la plus chic et la plus tapageuse qu’on puisse rêver à Poltava et qu’on en parlera. Je vais donc vous la raconter.

On dine au susdit jardin : une table de quinze couverts occupant tout le côté droit de la terrasse et où on ne nous laisse pas ennuyer par le public, qui se presse à une distance aussi peu respectueuse qu’il peut, pour · nous voir manger et pour écouter l’orchestre qui joue pour nous, et le cheur de femmes que nous avons fait venir.

— Des chansons bohémiennes mal chantées par des Russes et des Suédoises. J’aurais voulu sonner le tocsin, car le monde n’arrivait pas assez vite. Ça s’est rempli vers huit heures. Lundi 11 juillet. — C’est la Saint-Paul. On a fait venir à Gavronzy la musique militaire qui joue pendant le diner, et le soir sur le balcon. En transportant soldats et instruments, un des postillons a eu la jambe cassée et on lui a immédiatement donné la différence du jeu de la journée : cela s’élevait à cinquante roubles. L’idée est de moi. Peu de monde : Lihopay, Étienne et le propriétaire de l’hôtel où nous descendons à Poltava. Les messieurs jouent aux cartes avec lui et l’admettent dans Jeur société. Il a épousé une demoiselle noble. Mais la société de cet aubergiste !… Puis la famille, nous sommes quatorze. Je m’habille à ravir. Dina est aussi très charmante ; pendant un temps je cause et ris avec Lihopay et Micha, comme si cela m’amusait. D’autres écoutaient ce que nous disions d’amusant. On danse ; papa avec maman, ayant pour vis-à-vis Paul et sa femme, moi et Micha Enfin.