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JOURNAL

pas. - Alors ce n'est vraiment pas gentil, on aurait pu me le télégraphier, on n'apprend jamais assez tôt une bonne nouvelle...

Si... si j'avais quelque chose, je le saurais déja. Alors?

J'en ai un peu mal à la téte. Ce n'est pourtant pas que ce soit si important, mais on l'a annoncé... et puis l'incertitude est odieuse en toute chose.

Et le ceur qui bat, qui bat... Misérable vie! Tout et le reste et rien... et pourquoi? Pour aboutir à la mort!

Mme X... s'est éteinte après de cruelles souffrances, au milieu de sa famille en larmes; M. Z... est décédé subitement en son château de...; rien ne faisait prévoir une fin aussi prématurée...; ou encore : Mme Y... a été enlevée à la tendresse des siens, elle était ågée de quatre-vingt-dix-neuf ans... Et nul n'y échappe !... Et chacun finit ainsi. Finir! Finir, ne plus être, voilà l'horreur. Avoir assez de génie pour vivre toujours... Ou écrire des bėtises avec une main fiévreuse, parce que l'annonce d'une misérable mention se fait attendre. On vient apporter une lettre, mon ceur s'arrête. Elle est de Doucet, au sujet d'un corsage. Je vais reprendre un peu de sirop d'opium, être calme. On dirait, à voir cette agitation, que je viens de rêver à mes saintes femmes. Il est ébauché, le tableau; quand j'y travaille ou y pense, je suis dans un état pareil à celui de ce soir. Impossible de s'occuper à quoi que ce soit!... Neuf heures un quart. Julian se soit avancé à ce point et que ça n'arrive pas!,.. Et d'un autre côté, ce silence?... — Impossible que le prudent