Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/479

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
474
JOURNAL

plus. Dans tout cela, il y a des attitudes, les groupes, la composition enfin. Ce n’est pas cela qui m’embarrasse, et ça sera bien ; mais l’exécuter, voilà le terrible. Je ne sais rien, rien, nien ! meubles, costumes, accessoires

; et puis, pour fabriquer une grande machine

comme ça, il faut des recherches… Et il faut savoir ce que Tony Robert-Fleury appelle les qualités ou le… quoi ?

Lundi 11 juin. On a reçu la dépèche ce matin à dix heures, c’est-àdire à l’instant. Ma tante et Dina, en bas, disaient qu’il fallait que maman revint à la minute, sans attendre l’enterrement. Je suis montée ici très émue, mais ne pleurant pas. Seulement, lorsque Rosalie est venue me montrer l’arrangement d’une robe, je lui ai dit : « Ce n’est pas la peine, Monsieur est mort, » et je me suis mise à pleurer irrésistiblement. Ai-je eu des torts envers lui ? Je ne crois pas. J’ai toujours tâché d’être convenable… Mais, dans un moment pareil, on se croit toujours coupable de quelque chose… Il fallait partir avec maman… Il n’avait que cinquante ans. Tant souffrir !… et n’avoir, en somme, fait de mal à personne. Très aimé chez lui, parfaitement honorable, probe, enneri de tout tripotage et très bon garçon. — Mon père est mort.

Mercredi 13 juin. — Je m’imagine que si j’avais le malheur de perdre maman, eh bien, j’aurais mille reproches et mille remords, car j’ai été très’grossière et trės violente… pour le bon motif, je sais bien, mais c’est égal, je me reprocherais tous ces excès de pa- role…