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JOURNAL

Tout ce qui est grand, poétique, beau, subtil, vrai en musique, en littérature, en tout, me ramène à ce peintre merveilleux, à ce poète. Il prend des sujets considérés comme vulgaires par les gens du monde et il en extrait la poésie la plus pénétrante. Quoi de plus ordinaire qu’une petile fille qui garde une vache ou une femme qui travaille aux champs ? Ça a-t-il été fait ?

Mais personne ne l’a fait comme lui. Il a bien raison ; oui, trois cents pages en une toile. Mais nous sommes peut-être quinze qui le comprenons. Tourguenef a aussi peint les paysans, paysan russe, et avec quelle vérité, quelle naïveté, quelle sincérité ! Et c’est attendrissant, et c’est poétique, et c’est grand.

Malheureusement, à l’étranger cela ne peut être compris, et ce sont ces études de la société qui le font surtout connaitre.

le pauvre

Mardi 9 octobre. Le portrait de Bojidar me parait.. bien ; Julian dit que c’est peut-étre un grand succès, que c’est très original, très neuf et que ça paraitra comme un Manet savant. A moi, cela me parait amuşant. Il est accoudé au balcon, le corps presque de face et la têle de profil se détachant sur le ciel ; on voit le chantier, les maisons, les toits, la rue, un fiacre ; c’est très ressemblant pour tous, mais je voudrais encore quelque chose de plus dans le masque. Le crâne et le corps sont très justes, mėme pour moi.

Il y a des capucines au balcon. Il en ehiffonne une entre ses doigts, tout en regardant dans la rue ; mais je remplacerai la fleur par la cigarette ; l’autre main