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JOURNAL

J’ai cru que la Recherche de l’absolu était tout autre. ment, parce que moi aussi je cherche l’absolu. Mais l’absolu des sentiments est l’absolu en toutes choses. C’est ce qui me fait penser et écrire quarante mille tåtonnements à la suite desquels j’arrive bien, mais à côté et jamais juste. Samedi 13 avril. A vingt-deux ans, je serai célèbre ou morte.

Vous croyez peut-êlre qu’on ne travaille qu’avec les yeux et les doigts ? Vous qui êles des bourgeois, vous ne saurez jamais ce qu’il faut d’attention soutenue, de comparaisons continuelles, de calcul, de sentiment, de réflexion pour arriver à quelque chose. Oui, oui, ce que vous dites… vous ne dites rien d’ailleurs, mais je vous jure sur la tête de Pincio (ça vous paraît bête, à moi, non) que je serai célèbre ; je vous jure, je vous jure sérieusement, je vous jure sur l’Evangile, sur la passion du Christ, sur moi-même, que dans quatre ans je serai célèbre. Dimanche 14 avril. — Pauvre grand-papa, il prend intérêt à tout, il souffre tant de ne pouvoir parler. Je le devine le mieux, il était si heureux ce soir ; je lui ai lu les journaux et nous avons toutes causé dans sa chambre. C’était pour moi une peine, une joie, un attendrissement. Et maintenant mon dépit, ma rage, mon désespoir n’ont pas d’expression dans la langue humaine !  ! Si j’avais dessiné depuis l’âge de quinze ans je serais déjà célèbre !  !

Comprenez-vous ?… Samedi 20 avril.

Hier soir, en serrant ce cahier