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1612. mars.

de la court, il fut preferé a estre tenant, puis qu’il y vaquoit une place par la retraitte de Mr de Nevers ; ce que Mr de Guyse luy promit en cas que j’y consentisse. Mais nous nous estions desja tous deux diversement engagés, et Mr de Jainville estant venu parler a son frere, [il] luy dit qu’il avoit donné sa parolle a Mr de la Chastaigneraye, comme je dis aussy a la Chastaigneraye que j’estois engagé a Mr de Jainville ; de sorte que nous primes pour expedient de les recevoir tous deux : et deux ou trois jours apres, Mr de Nevers, quy ne pouvoit souffrir qu’une sy belle feste se passat sans luy, nous vint dire que, puisque la reine, quy estoit la belle sœur du duc de Mantoue decedé, vouloit bien estre a la feste, luy quy n’estoit que le cousin remué de germain[1], pouvoit bien estre tenant, et nous prioit de le reprendre de nostre bande ; de façon que nous fusmes cinq tenans.

Il n’y eut jammais un caresme sy beau dans Paris que fut celuy-la ; car depuis neuf heures [du matin jusques a midy, et depuis trois heures][2] jusques a six apres disner, il y avoit toujours vingt ou trente gensdarmes quy rompoint en lice, ou couroint la bague ou la quintaine[3], et un chascun estoit tellement occupé a faire faire des diverses machines, et le peuple a les venir voir, que c’estoit un continuel divertissement.

  1. Le duc de Nevers était cousin germain du feu duc Vincent : tous deux avaient pour aïeul Frédéric II de Gonzague, premier duc de Mantoue.
  2. Inédit.
  3. La quintaine était un pilier, ordinairement revêtu d’une forme humaine, contre lequel on s’exerçait à rompre la lance.