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journal de ma vie

luy vouloit demander cette place ; mais elle creut que ceux quy luy disoint, le faisoint a dessein d’aliener l’affection qu’elle portoit a ces cinq personnages ligués et estroittement unis ensemble, de son consentement, pour son service.

En fin un matin, 11me de janvier, Mr  de Boullon ayant feint que la goutte l’avoit pris a un pié la nuit precedente, pour faire rompre cette glace a quelque autre qu’a luy, Mr  de Nevers, accompagné de Mr  du Maine et du marquis d’Ancre, luy dit[1] que Mr  le Prince, quy s’estoit lié sy estroittement a son service qu’il en avoit abandonné toutes sortes d’interets, meritoit bien que la reine en eut une particuliere reconnoissance, et qu’il apparut par ses bienfaits combien ses services luy estoint agreables ; que pour ce sujet, il les avoit priés de luy venir demander la capitainerie du Chasteau-Trompette, avesques une ferme asseurance de n’en estre point refusé par Sa Majesté, a laquelle luy, parlant, et ses deux adjoints, conseilloint d’accorder de bonne grace et franchement une chose sy legitime et de sy petite consequence ; que le delay de son consentement equipolleroit, voire seroit pire qu’un refus, et quy toucheroit vivement Mr le Prince.

La reine, surprise de cette harangue, rougit d’abord, puis ne leur respondit autre chose, sinon qu’elle y aviseroit : et comme ils [luy repartirent qu’ils][2] luy supplioint tres humblement, par une response absolue, de tirer Mr  le Prince de l’impatience ou il estoit en

  1. À la reine.
  2. Inédit.