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1613. janvier.

Cela luy donna occasion de se promener dans la court avesques moy, et de me dire : « Ouy, par Dieu, il reviendra, et sy, je n’en auray point d’obligation a la reine, quy m’eut peu plus obliger en cette affaire qu’en nulle autre qu’elle eut sceu jammais faire pour moy. Mais j’ay trouvé une dureté de cœur en elle quy a gelé le mien, lequel a toujours esté passionné pour son service. Elle m’eut plus fait faire d’une parole que le reste du monde ne saura jammais avesques toutes sortes de bienfaits ; mais elle m’a trop négligé : j’ay changé de maitre, quy ne m’agrée pas tant qu’elle, mais que je n’abandonneray pas, puis qu’elle m’y a donné, et forcé de le prendre, quy est Mr  le Prince et sa cabale, ou je me suis summis ; ce que je m’asseure que vous approuverés, puis que vous en estes aussy. »

Je pris occasion de luy respondre : « Monsieur, je vous avoue que je suis serviteur de tous les particuliers de la cabale que vous dittes, mais que je ne suis point de la cabale en gros, ny n’en seray jammais, que de celle du roy et de la reine regente. Je seray toujours paroissien de celuy quy sera curé, et vous me pardonnerés sy je vous dis que vous n’estes pas bien conseillé. Vous estiés vous-mesme vostre cabale, coq de paroisse, et independant que du roy, avec lequel vous aviés toujours le dessus des autres : et maintenant vous prenés maitre ; vous vous summettés et vous donnés a des personnes desquelles, quand vous y serés tout a fait embarqué, vous recevrés des indignités qu’il vous faudra souffrir, au lieu que vous n’avés peu endurer quelques petites froydeurs et refus bien fondés de la reine. Vous voulés qu’en mesme