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journal de ma vie

mais comme un des gens de mon pere luy eut dit que les portes du chasteau avoint esté fermées[1]], se doutant de ce quy estoit arrivé et de ce qu’il luy pourroit avenir, [il] fit préparer deux bons chevaux, sur lesquels luy et un des siens estans montés, ils sortirent de la ville de Blois comme on en levoit le pont, et s’en vint à Chartres qu’il fit revolter. Puis estant arrivé à Paris, il fut mené droit a l’hostel de ville ou, en une grande assemblée quy estoit la fort animée a la guerre, il leur parla de l’accident arrivé ; et luy ayans demandé son avis sur ce qu’ils devoint faire, il leur dit librement que sy ils avoint un million d’or de fonds pour commencer la guerre, il leur conseilloit de l’entreprendre : sinon, que ce seroit le meilleur de s’accorder avesques le roy aux plus avantageuses conditions que l’on pourroit, pourveu que les restes de la maison de Guyse fussent remis en dignité et honneur, comme quelques serviteurs du roy quy estoint dans Paris avoint desja proposé. L’assemblée se retira en suspens de ce a quoy ils se devoint resoudre, n’ayant point de fonds comptant pour commencer la guerre ; et une grande partie d’iceux accompagna mon pere a l’hostel de Guyse, quy fut voir la vefve du defunt duc, et la consoler au mieux qu’il peut.

Il arriva en suitte que, le lendemain matin, un maçon quy avoit fait une cache au tresorier de l’espargne Molan dans une poutre[2] de son logis, la des-

  1. Passage inédit, mais qui se trouve dans le manuscrit FR. 4062.
  2. Dans les anciennes éditions, comme dans le manuscrit FR. 17476, on lisait ici : Molandant, une pauvre femme, au lieu de :