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journal de ma vie.

que veritablement il avoit perdu une fille bien aymable et utile a sa fortune, mais que quattre nieces luy avoint succedé en la place de sa fille, quy luy apporteroint peut-estre autant de consolation, les faisant venir pres de luy, et beaucoup plus d’appuy a sa fortune en s’alliant par leur moyen de quattre grandes maisons de France dont il auroit le choix ; et plusieurs autres choses que Dieu m’inspira de luy dire. En fin apres avoir encor quelque temps pleuré de la sorte, il me dit :

« Ha ! Monsieur, je regrette veritablement ma fille et la regretteray tant que je vive ; je suis neammoins homme quy peux supporter constamment une affliction pareille a celle là : mais la ruine de moy, de ma femme, de mon fils[1], et de ma maison, que je vois prochaine devant mes yeux et inesvitable par l’opiniatreté de ma femme, me fait lamenter et perdre patience ; laquelle je vous descouvriray comme a un veritable amy duquel j’ay receu toute ma vie assistance [et amitié][2] et a quy je confesse n’avoir pas rendu la pareille et fait ce que je devois[3] et pouvois taire : mais baste, je l’amenderay s’il plait a Dieu. Sçachés, Monsieur, que depuis le temps que je suis au monde, j’ay appris a le connestre et voir non seulement les elevations de la fortune, mais les cheutes et

  1. Henri Concini avait été baptisé à Saint-Sulpice le 8 juin 1603. Arrêté après la mort de son père, il demeure cinq ans en prison, puis se retira à Florence, où il vécut jusqu’en 1631 sous le nom de comte de Pena.
  2. Inédit.
  3. Il y avait aux précédentes éditions : voulois.