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journal de ma vie.

pieces de canon ? Sur quoy se fonde-t-il ? » Il me dit : « Il ne nous en a parlé qu’en passant, et est plustost porté par l’avis d’Arnaut que conseillé par nous autres ; mais (ce me dit il), vous estes un de ses gouverneurs, allés luy parler. » Je ne marchanday point, et l’estant venu trouver et dit que l’infanterie arrivoit, je luy dis en suitte :

« Monsieur, quel est vostre dessein de passer sans cavalerie en un pas[1] ou, sy les ennemis vous font le moindre obstacle du monde, la mer vous prendra à demy passé ; et quand ils vous lairroint passer, ce vous sera un grand desavantage d’estre sans cavalerie ny canon ? Mais quand toutes ces considerations ne vous toucheroint point, permettés, Monsieur, que comme vostre tres humble serviteur, je vous demande ce que vous ferés du roy quy est en battaille devant la chaussée de Riés, et comme quoy vous voulés combattre sans luy ? Car sy vous deffaites Mr de Soubise, il vous voudra mal de ce que vous ne luy aurés point fait part de l’honneur de la victoire ; et s’il vous arrive quelque disgrace, il blasmera vostre precipitation, et vous accusera de ne l’avoir voulu ou daigné attendre. »

Mr le Prince ne prit pas bien mon discours, et me dit : « Je vois bien que vous estes de la caballe des autres quy me veulent destourner d’acquerir de la gloire et faire un grand service, lequel peut estre ne se pourra pas recouvrir quand nous l’aurons laissé eschapper. Je veux donc que vous alliés tout a l’heure trouver le roy et luy dire qu’il est a propos qu’il vienne promptement icy avec sa cavalerie. » Je le sup-

  1. Il y avait aux précédentes éditions : pays.