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1622. avril.

que de coustume leur dit : « Messieurs, c’est là dehors qu’est l’allarme, et non dans ma chambre, comme vous voyés, et ou il faut aller », et en mesme temps me dit : « Allés en diligence au pont d’Auroit, et me mandés de vos nouvelles promptement. Vous, Zammet, allés trouver Mr  le Prince, et Mr  de Pralain avec Marillac demeureront avec moy quy me vas armer, et me mettre a la teste de mes gardes. » Je fus ravy de voir l’asseurance et le jugement d’un homme de son aage, sy meur et sy parfait. Il se trouva que c’estoit une fausse allarme que l’on avoit prise d’une chose fort legere, et ainsy je m’en revins dormir deux heures, attendant le rendés vous et pour estre en estat de passer la nuit sans dormir.

Toutes les trouppes arriverent a dix heures au rendés vous, et tout a loisir nous les mismes en deux files, assavoir : les battaillons l’un apres l’autre pour passer au guay de la main gauche ; et les esquadrons aussy en suitte, a la main droitte, pour passer le guay proche de la mer ; et y arrivasmes demie heure avant la basse mer. Mais celuy d’a main gauche fut trouvé sy haut que les gardes, quy devoint passer les premiers, me firent dire par La Hilliere[1] sergent major, qu’il estoit impossible d’y passer. J’y courus, et voyant combien ils y passeroint difficilement, je vins au guay de main droitte que je passay et le tastay pour voir sy nostre infanterie y pouvoit passer ; je reconnus aussy qu’il n’y avoit personne de

  1. Jean-Denis de Polastron, seigneur de la Hillière, avait été reçu sergent-major du régiment des gardes en 1606. Il devint major en 1622 au siége de Montpellier et occupa cet emploi jusqu’en 1627.