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journal de ma vie.

armée entretenue par ses deniers [avoit conquise], luy fut consinnée ; mais le duc au contraire maintint qué le roy estoit obligé par un traitté qu’il avoit fait avec luy, de luy rendre Colmar et Haguenau avec tout ce quy despendoit du landgraviat d’Alsass dont ledit duc demandoit l’investiture. Et comme ce siege s’estoit commencé, continué, et achevé par le conseil, l’entremise et l’ayde du colonel d’Erlach, il luy en voulut confier la garde. Ce colonel d’Erlach est un brave homme, gentilhomme d’ancienne maison dans le païs de Berne en Suisse, et quy a passé sept ou huit de ses plus belles années aupres du roy de Suede avec tant d’estime de ce prince, que, deux ans devant qu’il se retirat d’aupres de luy, il l’avoit fait colonel du regiment de ses gardes. Mais comme la Suede n’est pas une fort agreable demeure, que son pere et mere estans morts quy l’avoint laissé heritier d’assés grands biens tant au païs de Berne qu’aupres de Basle en une assés belle terre nommée Castelen, le desir de revoir sa patrie et d’y demeurer, et le dessein de se marier, le porterent a quitter ledit roy et revenir en son païs vers la fin de l’année 1625, ou en mesme temps j’allay de la part du roy ambassadeur extreordinaire vers les cantons. Et parce que son frere ayné[1] avoit autrefois esté nourry page de mon pere, et que sa maison estoit fort amie de la mienne, il me vint incontinent voir a Solleure, et je fis une estroitte amitié avesques luy, le reconnoissant personnage de grand merite. Et comme en l’année 1630 je fus en-

  1. Frédéric d’Erlach, fils ainé de Rodolphe d’Erlach, seigneur de Castelen, et de Catherine de Muhlinen, mort en 1615.