Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/77

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entendues. Au lieu d’y répondre, comme je l’espérais, vous vous retranchez dans votre fin de non-recevoir. A cette interrogation de ma part : Prouver que la gratuité du crédit est chose possible, facile, pratique, n’est-ce pas prouver que l’intérêt du crédit est désormais chose nuisible et illégitime ? — vous répondez, en retournant la phrase : « Prouver que l’intérêt est (ou a été) légitime, juste, utile, bienfaisant, indestructible, n’est-ce pas prouver que la gratuité du crédit est une chimère ? » Vous raisonnez juste comme les entrepreneurs de roulage à l’égard des chemins de fer.

Voyez-les, en effet, adresser leurs doléances au public qui les délaisse et qui court à la concurrence : — Est-ce que le chariot et la malbrouck ne sont pas des institutions utiles, légitimes, bienfaisantes, indestructibles ? Est-ce qu’en transportant vos personnes et vos produits, nous ne vous rendons pas un service ? Est-ce que ce service n’est pas une valeur ? Est-ce que toute valeur ne doit pas être payée ? Est-ce qu’en faisant le transport à 25 centimes par tonne et kilomètre, tandis que la locomotive le fait, il est vrai, à 10 centimes, nous sommes des voleurs ? Est-ce que le commerce ne s’est pas développé perpétuellement et universellement par le roulage, la bête de somme, la navigation à voiles ou à rames ? Que nous importent donc et la vapeur, et la pression atmosphérique, et l’électricité ? Prouver la réalité et la légitimité de la voiture à quatre roues, n’est-ce pas prouver que l’invention des chemins de fer est une chimère ?

Voilà, monsieur, où vous conduit votre argumentation. Votre dernière lettre n’a, comme les précédentes, et du commencement à la fin, pas d’autre sens. Pour conserver au capital l’intérêt que je lui refuse, vous me répondez par la question préalable ; vous opposez à mon idée novatrice votre routine ; vous protestez contre le rail et la machine à vapeur. Je serais désolé de vous dire rien de blessant ; mais, en vérité, monsieur, il me semble que j’aurais le droit, dès ce moment, de briser là et de vous tourner le dos.

Je ne le ferai point : je veux vous donner satisfaction