Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/79

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pour filer le chanvre, recevant, pour salaire de six semaines de travail, avec sa nourriture, une paire de sabots et un pain de sel.

C’est dans le commerce de mer qu’il faut rechercher l’origine du prêt à intérêt. Le contrat à la grosse, variété ou plutôt démembrement du contrat de pacotille, fut sa première forme, de même que le bail à ferme ou à cheptel fut l’analogue de la commandite.

Qu’est-ce que le contrat de pacotille ? un traité par lequel un industriel et un patron de navire conviennent de mettre en commun, pour le commerce étranger, le premier, une certaine quantité de marchandises qu’il se charge de procurer ; le second, son travail de navigateur : le bénéfice résultant de la vente devant être partagé par portions égales, ou suivant une proportion convenue ; les risques et avaries mis à la charge de la société.

Le bénéfice ainsi prévu, quelque considérable qu’il puisse être, est-il légitime ? On ne saurait le révoquer en doute. Le bénéfice, à cette première époque des relations commerciales, n’est pas autre chose que l’incertitude qui règne, entre les échangistes, sur la valeur de leurs produits respectifs : c’est un avantage qui existe plutôt dans l’opinion que dans la réalité, et qu’il n’est pas rare de voir les deux parties, avec une égale raison, s’attribuer l’une et l’autre. Combien une once d’or vaut-elle de livres d’étain ? Quel rapport de prix entre la pourpre de Tyr et la peau de zibeline ? Nul ne le sait, nul ne le peut dire. Le Phénicien qui, pour un ballot de fourrures, livre dix palmes de son étoffe, s’applaudit de son marché : autant en pense, de son côté, le chasseur hyperboréen, fier de sa casaque rouge. Et telle est encore la pratique des Européens avec les sauvages de l’Australie, heureux de donner un porc pour une hache, une poule pour un clou ou un grain de verre.

L’incommensurabilité des valeurs : telle est, à l’origine, la source des bénéfices du commerce. L’or et l’argent entrent donc dans le trafic, d’abord comme marchandises ; puis, bientôt, en vertu de leur éminente échangeabilité, comme termes de comparaison, comme monnaies. Dans l’un et l’autre cas, l’or et l’argent portent bénéfice à l’é-