Page:Bastien - Le rêve de Petit Pierre, paru dans L'oiseau bleu, jan à juil 1923.djvu/8

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réchappé que Joseph et lui, sur mes sept enfants. À bout d’arguments, je lui nommai la petite Louise Guénette, qu’il préférait à toute autre. Et son père lui promit de l’installer maître chez lui, quand il se serait marié. Rien n’y fit ! Il voulait partir… aller dans ce pays où, disait-on, l’argent se gagnait presque à rien faire… Et le lendemain, triste comme si la mort eut passé, on le reconduisait à la gare. Toute en larmes, je lui dis en l’embrassant : « mon garçon, n’oublie pas les tiens, songe que nous nous faisons vieux et que tu ne nous reverras peut-être jamais ! » Il promit d’écrire et de revenir à l’été suivant… Tu vois, ma fille, je ne l’ai pas revu depuis ce jour-là, et mon cœur tremble rien qu’à penser que je vais le retrouver vieilli et changé.

— Ah ! dame ! depuis des années comme ça que vous ne l’avez pas vu, pour sûr qu’il aura vieilli et changé ! Mais il ne faudra pas vous tourmenter, vous comprenez. Nous autres aussi nous vieillissons sans beaucoup nous en apercevoir.

Il emmène son petit garçon Freddy, n’est-ce pas ? Je crois qu’il est du même âge que Pierre ? Joseph dit que là-bas Antoine s’appelle Monsieur White…

— Mon doux ! fit la vieille, j’espère qu’il n’a pas changé son nom ! Depuis si