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Page:Batteux - Les Beaux-Arts réduits à un même principe.djvu/209

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déréglée : ce sont des élans du cœur, des traits de feu qui jaillissent. L’épique a un ton toujours soutenu, une majesté toujours égale à elle-même : c’est le récit que fait un dieu, à des dieux comme lui. Tout s’annoblit dans sa bouche, les pensées, les expressions, les tours, l’harmonie : tout est rempli de hardiesse & de pompe. Ce n’est point le tonnerre qui gronde par intervale, qui éclate, et qui se tait. C’est un grand fleuve qui roule ses flots avec bruit, & qui étonne le voyageur qui l’entend de loin dans une vallée profonde. Le murmure des ruisseaux n’est bon que pour les bergers. Comparez le chalumeau de Virgile avec sa trompette : tityre tu patulae recubans sub tegmine fagi sylvestrem tenui nusam meditaris avenâ. Rien n’est si doux : l’harmonie & le ton de l’éneïde ont une autre force :