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le mort s’est trompé d’étage

LE MORT S’EST TROMPÉ D’ÉTAGE CHAPITRE XIII — 83 Il y avait exactement vingt et un mois que Lucien Vidalier, rentrant en France après dix ans d’Afrique, avait débarqué dans la petite gare de Sarlat, en compagnie de son valet. De Marseille où il s’était arrêté quelques jours, il avait repris con- tact avec son cousin Raoul d’Armancé, qui passait au château de Roche-Marie la plus grande partie de l’année et s’était empressé de l’inviter. Lors des précédents séjours de Lucien en Europe, leurs chemins ne s’étaient pas croisés. Mais à présent, qu’il rentrait définitivement, le voyageur éprouvait un vif désir de renouer une amitié qui avait été chère à son enfance. Et la joie l’envahit, en reconnaissant sur le quai la haute silhouette, le beau visage rieur de cet aîné qui, jadis, adoles- cent de quatorze ans, vigoureux et hardi, avait accueilli avec une condescendance de prince le timide petit garçon qui, dès le premier regard, lui avait donné son cœur. - Lucien, resté orphelin, avait été élevé dès l’âge de dix ans par son oncle, le père de Raoul. Le petit avait pour l’aîné, pour sa gaieté, sa fantaisie, son ardeur au travail comme au jeu — une admira- tion sans bornes. Plus d’une fois, il avait pâti pour sa complicité dans de mauvaises plaisanteries ima- ginées par Raoul. Jamais il ne lui en avait gardé rancune. Maintes fois même, il s’était laissé punir à sa place et il en tirait une secrète fierté, sans s’in- digner de la désinvolture avec laquelle l’instigateur