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Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/125

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Le vrai moyen de les restreindre de plus en plus, c’est la séparation des êtres, la divergence des vues, l’opposition des forces, la contrariété des volontés et des travaux.

L’une et l’autre naissent de la même source ; de notre attrait naturel ou du devoir qui nous est imposé de pourvoir à notre conservation, à notre bien-être person[260]nel, sous peine de souffrance et de mort.

Se faire à soi-même le sort le plus heureux qu’il est possible, c’est là ce que nous prescrit et nous inspire sans cesse ce devoir naturel, cet attrait général essentiel de tous les hommes.

Mais pour que cet attrait universel soit satisfait, pour que ce devoir général et continuel soit rempli par tous les hommes le mieux qu’il est possible, la condition évidemment nécessaire, c’est que l’un ne fasse pas son bien-être personnel aux dépens de la conservation et du bien-être d’un ou de plusieurs autres ; tout au contraire, que l’un n’opere sa conservation, son bien-être qu’en opérant celui de plusieurs autres.

Il est d’une souveraine évidence, quoiqu’en ait osé dire l’orgueil inconséquent de quelques modernes sceptiques, il est d’une souveraine évidence que la moitié de l’humanité seroit réduite à l’impossibilité de remplir son devoir naturel, de [261] suivre son attrait, et de se procurer le bien-être personnel, si nul homme ne pouvoit obtenir une jouissance utile ou agréable, qu’en la faisant perdre à quelque autre.

Il est évident au contraire que l’humanité seroit doublement assurée de sa propagation et de sa prospérité, si nul mortel ne pouvoit se procurer aucunes des jouissances qui rendent heureux, sans procurer en même temps le bien-être de quelque autre.

Donc le desir naturel et général inhérent à notre essence de procurer toujours, et d’augmenter sans cesse notre bien-être à tous, emporte deux conditions : savoir,

1o La loi naturelle de la justice universelle ; « que le bien-être de l’un ne se fasse pas aux dépens du bien-être de l’autre ».

2o L’ordre naturel de la bienfaisance générale ; « que le bien-être de l’un s’op[262]ere en procurant le bien-être de quelques autres ».

La politique usurpatrice, exclusive, oppressive ou tyrannique ignore, oublie, viole la loi naturelle de la justice, l’ordre naturel de la bienfaisance.