Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à la troisieme objection, c’est [349] la plus raisonnable en apparence ; mais elle n’est pas plus insoluble que les deux autres.

Dans plusieurs États, dit-on, le tiers, la moitié, les trois quarts même du revenu quitte et net de tous les fonds productifs ne suffiroient pas aux dépenses annuelles du trésor public ; c’est un fait très certain, qui rendroit la perception économique insuffisante, et qui nécessite les autres formes de taxations.

Premierement, quelque réelle que fût cette nécessité, c’est toujours un très grand malheur de s’y voir réduit ; c’est un état contraire à l’ordre naturel, c’est une suite des erreurs et déprédations de plus d’un siecle.

Il n’en est donc pas moins vrai que la perception économique est la regle de la sagesse et de la justice. Il ne faut donc pas lui donner les noms de systême, d’opinions, de rêves philosophiques.

C’est évidemment aux autres formes [350] quelconques de taxations que conviennent ces noms-là, parcequ’elles sont toutes des inventions fortuites proposées et adoptées aveuglément pour satisfaire le besoin du moment sans avoir été suffisamment examinées et discutées, ni dans leurs principes ni encore moins dans leurs effets.

La plupart sont si modernes, qu’on cite leur époque et les auteurs de leur invention. La plupart sont si étrangement et si visiblement préjudiciables, que toute l’Europe en est frappée.

Que le concours des circonstances les rende quelque part un mal nécessaire, ce n’est pas ce que j’examine ici ; mais il ne faut pas en conclure qu’elles sont le vrai bien, la regle naturelle du bon ordre, la source de la prospérité.

Dans le cas d’une tempête violente, les Navigateurs sont contraints de jetter leurs richesses et même leurs provisions à la mer ; est-ce là le régime habituel du [351] commerce maritime, et la regle ordinaire de toute navigation ?

Secondement avec qu’elle certitude pouvez-vous assurer que la moitié, que les trois quarts même du produit quitte et net annuel des fonds de terre seroient insuffisants aux dépenses publiques dans les États que vous croyez connoître ? Savez-vous quel est au vrai ce produit net ?

La question va paroître étrange après ce que j’ai dit moi-même de la facilité de cette estimation ; elle n’est cependant pas absurde, et voici pourquoi.