Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/166

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nature ; le peuple abruti n’a ni le loisir ni la volonté de réfléchir ; les préposés du régime arbitraire n’y connoissent pour toute loi que l’ordre ou la défense émanée du maître.

Dans l’autre Empire est répandue partout la lumiere la plus vive sur les droits sacrés des propriétés et des libertés, sur les vrais avantages du Souverain, sur ses relations de société avec les Propriétaires, les Cultivateurs et la classe stérile, sur son unité d’interêt avec eux, avec leurs propriétés et leurs libertés.

[371] Supposez maintenant que vous êtes Souverain, que vous desirez le pouvoir malheureux d’usurper à votre fantaisie ces propriétés, et de violer à votre gré ces libertés, soit en détail et pour le moment présent celles du particulier, par de simples ordres, soit en gros et pour long-temps celles de plusieurs collectivement pris, par des réglements pernicieux.

A laquelle des deux Nations vous adresserez-vous par préférence, dans l’espoir de réussir plus certainement et avec plus de facilité ? Est-ce à la Nation universellement et parfaitement ignorante ? Est-ce à la Nation universellement et parfaitement éclairée ? C’est évidemment à la premiere.

Là vous ne trouverez ni résistance de la part de ceux qui souffriront de vos caprices usurpateurs et vexatoires, ni refus de ministere de la part des préposés [372] qu’il vous faudra mettre en œuvre, ni murmure de la part des témoins.

Ailleurs vous trouveriez au lieu de victimes patientes et dévouées, des hommes instruits de leurs droits, qui sentiroient vivement l’injustice de vos attentats contre l’ordre et la loi suprême de la nature : premiere différence.

Vous trouveriez des mandataires instruits de leur devoir naturel imprescriptible, supérieur à tout, qui vous répondroient : « Usurper les propriétés, violer les libertés, c’est précisément ce que nous devons éviter comme hommes privés ; c’est précisément ce que nous devons empêcher comme dépositaires de l’autorité. Abuser de ses forces pour commettre cette usurpation, cette violation, c’est de par la nature le caractere du crime ou du délit : nul ordre quelconque ne peut l’effacer, ce caractere indélébile imprimé par l’Etre suprême. Nul hom[373]me, nul assemblage d’hommes ne peut rendre bien ce qui est mal, juste ce qui est injuste, bienfaisant ce qui est destructeur. Je puis comme homme, par prudence, être victime d’un caprice vexatoire et usurpateur