Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/61

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grande portion des objets propres aux jouissances utiles ou agréables, qu’on pût partager entre ses coopérateurs, on a trop sou[89]vent fait comme le Sauvage qui jette l’arbre par terre pour cueillir un seul fruit.

C’est-à-dire, qu’on ne s’est pas embarrassé d’empêcher l’accroissement de la masse, ni même de la diminuer : bien loin de faire une attention continuelle à cette vérité salutaire, évidente et fondamentale, «  que le but de l’art social ou de l’autorité, n’est que de la maintenir et de la faire augmenter de plus en plus ; que le souverain trouve tout le premier son intérêt à cet accroissement, et un très grand intérêt supérieur à celui de tous les individus » ; on a cru, on a dit, sans le savoir, que l’autorité étoit le droit de détruire arbitrairement cette masse, en sacrifiant l’intérêt universel, et par une conséquence infaillible, la portion afférante à la souveraineté même. Malheureusement on n’a que trop agi en conséquence des systêmes qui sont tacitement fondés sur ces erreurs aussi absurdes que détestables.

[90] Si on disoit à des hommes raisonnables : «  la médecine ayant été établie comme l’art de guérir les hommes et de leur procurer une santé florissante ; il s’ensuit nécessairement et logiquement, que les Médecins, qui doivent être payés, comme de raison, pour exercer cet art de guérir les maladies, et d’entretenir la santé, ont droit et intérêt à tuer les hommes, en leur vendant, pour tirer le paiement de leurs salaires, un poison infailliblement mortel  » …

Si on disoit, « l’art des vêtements ayant été établi pour préserver les hommes du froid et de l’humidité, il s’ensuit nécessairement et logiquement, que les ouvriers qui doivent être payés, comme de raison, pour ce service, ont droit et intérêt à faire aller les hommes nuds, en nous dépouillant pour se faire payer de leurs salaires, et en nous empêchant de nous vêtir, on regarderoit ce propos-là comme le comble du délire.

[91] Ce seroit bien pis, si on trouvoit de pareilles spéculations mises en pratique chez quelque Peuple.

Dans le vrai, cependant, qu’on examine le systême universel de la fiscalité ancienne et moderne, on trouvera qu’il est fondé par-tout sur le même anti-raisonnement.

L’autorité ou l’art social est utile et même nécessaire pour la conservation et l’accroissement de la masse des jouissances. Donc