Page:Baudelaire - Œuvres posthumes, II, Conard, 1952.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un excellent petit journal est annexé à l’Exposition, qui rend compte du mouvement régulier des tableaux entrants et sortants, comme ces feuilles maritimes qui instruisent les intéressés de tout le mouvement quotidien d’un port de mer.

Dans cette gazette, où quelquefois des articles traitant de matières générales se rencontrent à côté des articles de circonstance, nous avons remarqué de curieuses pages signées de M. Saint-François, qui est l’auteur de quelques dessins saisissants au crayon noir. M. Saint-François a un style embrouillé et compliqué comme celui d’un homme qui change son outil habituel contre un qui lui est moins familier; mais il a des idées, de vraies idées. Chose rare chez un artiste, il sait penser.

M. Legros, toujours épris des voluptés âpres de la religion, a fourni deux magnifiques tableaux, l’un, qu’on a pu admirer, à l’Exposition dernière, aux Champs-Elysées (les femmes agenouillées devant une croix dans un paysage concentré et lumineux); l’autre, une production plus récente, représentant des moines d’ages différents, prosternés devant un livre saint dont ils s’appliquent humblement à interpréter certains passages. Ces deux tableaux, dont le dernier fait penser aux plus solides compositions espagnoles, sont tout voisins d’une célèbre toile de Delacroix, et cependant, là même, dans ce lieu dangereux, ils vivent de leur vie propre. C’est tout dire.