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LES FLEURS DU MAL


DÉDICACE À THÉOPHILE GAUTIER


Première version[1].]


À mon très cher et vénéré maître et ami,
Théophile Gautier.

Bien que je te prie de servir de parrain aux Fleurs du Mal, ne crois pas que je sois assez perdu, assez indigne du nom de poète, pour m’imaginer que ces fleurs maladives méritent ton noble patronage. Je sais que, dans les régions éthérées de la véritable POÉSIE, le MAL n’est pas, non plus que le BIEN, et que ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime peut légitimer les réactions de la morale, comme le blasphémateur confirme la religion. Mais j’ai voulu, autant qu’il était en moi, en espérant mieux peut-être, rendre un hommage pro-

  1. Charles Baudelaire, Œuvres posthumes et correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet (in-8, Paris, Quantin, 1887).
        Poulet Malassis, l’imprimeur des Fleurs du Mal, avait conservé une épreuve de cette dédicace dont le projet aurait été rejeté « parce qu’une dédicace ne doit pas être une profession de foi ».
        Cf. Charles Baudelaire, Lettres (Paris, Société du Mercure de France, MCMVI), 9 mars 1857.