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à expliquer l’immense succès des tableaux de Courbet dès leur première apparition. Cette réaction, faite avec les turbulences fanfaronnes de toute réaction, était positivement nécessaire. Il faut rendre à Courbet cette justice, qu’il n’a pas peu contribué à rétablir le goût de la simplicité et de la franchise, et l’amour désintéressé, absolu, de la peinture.

Plus récemment encore, deux autres artistes, jeunes encore, se sont manifestés avec une vigueur peu commune.

Je veux parler de M. Legros et de M. Manet. On se souvient des vigoureuses productions de M. Legros, l’Angelus (1859), qui exprimait si bien la dévotion triste et résignée des paroisses pauvres ; l’Ex-Voto, qu’on a admiré dans un Salon plus récent et dans la galerie Martinet, et dont M. de Balleroy a fait l’acquisition ; un tableau de moines agenouillés devant un livre saint comme s’ils en discutaient humblement et pieusement l’interprétation ; une assemblée de professeurs, vêtus de leur costume officiel, se livrant à une discussion scientifique, et qu’on peut admirer maintenant chez M. Ricord.

M. Manet est l’auteur du Guitariste, qui a produit une vive sensation au Salon dernier. On verra au prochain Salon plusieurs tableaux de lui empreints de la saveur espagnole la plus forte, et qui donnent à croire que le génie espagnol s’est réfugié en France. MM. Manet et Legros unissent à un goût décidé pour la réalité, la réalité moderne, — ce qui est déjà un bon symptôme,