Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/250

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pays. Rien de ce qui est éternel et universel n’a besoin d’être acclimaté. Cette analogie morale dont je parlais est comme l’estampille divine de toutes les fables populaires. Ce sera bien, si l’on veut, le signe d’une origine unique, la preuve d’une parenté irréfragable, mais à la condition que l’on ne cherche cette origine que dans le principe absolu et l’origine commune de tous les êtres. Tel mythe peut être considéré comme frère d’un autre, de la même façon que le nègre est dit le frère du blanc. Je ne nie pas, en de certains cas, la fraternité ni la filiation ; je crois seulement que dans beaucoup d’autres l’esprit pourrait être induit en erreur par la ressemblance des surfaces ou même par l’analogie morale, et que, pour reprendre notre métaphore végétale, le mythe est un arbre qui croît partout en tout climat, sous tout soleil, spontanément et sans boutures. Les religions et les poésies des quatre parties du monde nous fournissent sur ce sujet des preuves surabondantes. Comme le péché est partout, la rédemption est partout ; le mythe partout. Rien de plus cosmopolite que l’Eternel. Qu’on veuille bien me pardonner cette digression qui s’est ouverte devant moi avec une attraction irrésistible. Je reviens à l’auteur de Lohengrin.

On dirait que Wagner aime d’un amour de prédilection les pompes féodales, les assemblées homériques où gît une accumulation de force vitale, les foules enthousiasmées, réservoir d’électricité humaine, d’où le style héroïque jaillit avec une impétuosité naturelle.