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V

PÉTRUS BOREL




Il y a des noms qui deviennent proverbes et adjectifs. Quand un petit journal veut en 1859 exprimer tout le dégoût et le mépris que lui inspire une poésie ou un roman d’un caractère sombre et outré, il lance le mot : Pétrus Borel ! et tout est dit. Le jugement est prononcé, l’auteur est foudroyé.

Pétrus Borel, ou Champavert le Lycanthrope, auteur de Rhapsodies, de Contes immoraux et de Madame Putiphar, fut une des étoiles du sombre ciel romantique. Étoile oubliée ou éteinte, qui s’en souvient aujourd’hui, et qui la connaît assez pour prendre le droit d’en parler si délibérément ? « Moi, » dirai-je volontiers, comme Médée, « moi, dis-je, et c’est assez ! » Édouard Ourliac, son camarade, riait de lui sans se gêner ; mais Ourliac était un petit Voltaire de hameau, à qui tout excès répugnait, surtout l’excès de l’amour de l’art. Théophile Gautier, seul, dont le large esprit se réjouit dans l’universalité des choses, et qui, le vou-